La ville du "Quart d'heure" réinvente le quartier

Déjà expérimenté depuis vingt ans à Portland et plus récemment en Europe ou en Australie, ce concept urbain propose de réduire nos déplacements.

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Un quartier organisé tel un village

Déjà expérimenté depuis vingt ans à Portland et plus récemment en Europe ou en Australie, ce concept urbain propose de réduire nos déplacements à 15 minutes entre les différentes polarités de nos existences. 

La crise sanitaire a ralenti nos rythmes de vie. En moins d'un an, un phénomène de « démobilité » s'est déployé sous l'effet massif du télétravail, de la réduction des déplacements intra-régionaux et internationaux, de l'essor des modalités douces (vélos, trottinettes...).

Les activités quotidiennes se sont recentrées autour d'« hyper lieux » (1), ces îlots urbains qui rassemblent commerces de proximité, aménités urbaines (parcs, squares...), micro-équipements de loisirs (skate parcs, agréés sportifs)...

La pandémie du Covid-19 a en quelque sorte auto-réalisé une nouvelle forme urbanité à laquelle certaines villes comme Copenhague, Melbourne ou Paris, réfléchissaient déjà : un urbanisme polycentrique, abolissant le zonage fonctionnel et l'étirement des flux urbains dans l'espace.

Face à l'éclatement spatial des métropoles, cet urbanisme dit du « quart d'heure » propose de renouer avec la notion d'un quartier au sens de village, où toutes les fonctions sociales essentielles (travailler, se soigner, s'approvisionner, apprendre et s'épanouir) sont présentes à proximité de son logement.

Le concept de « ville du quart d'heure » a été porté par l’universitaire franco-colombien Carlos Moreno, professeur associé à l’Institut d’administration des entreprises de Paris (Université Paris1-Panthéon Sorbonne). Il s'est intéressé aux conséquences néfastes de l'urbanisme des flux sur la vie des habitants des aires métropolitaines. Là où le temps de transport des salariés les plus pauvres ne cesse de s'accroitre au détriment de leur qualité de vie.

Face aux enjeux climatiques, l'enseignant chercheur démontre que cette manière de concevoir la ville en réduisant des activités fortement polluantes, est aussi une réponse à la qualité sanitaire et environnementale, aux enjeux climatiques. La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de la France ne vise-t-elle pas le zéro émissions d'ici 2050 ?

Paris en tête

Cependant, dans la pratique comment décliner ce concept ? La Ville de Paris largement engagée sur ce thème, a proposé des solutions concrètes (2). L'idée n'est pas de systématiquement construire ou d'implanter de toute pièce des nouveaux équipements propres à chaque quartier mais de transformer le plus possible des lieux existants pour les rendre multifonctionnels. Une école pourrait associée à un lieu culturel et un espace associatif citoyen. La Ville de Paris a d'ailleurs expérimenté l'ouverture au public de cours d’école et collège le samedi.

Cette idée de lieux multi-activités concerne aussi d'autres fonctions sociales comme la pratique du sport ou le divertissement. Des espaces où les parents pourraient se consacrer à une activité sportive ou culturelle en mutualisant des solutions de la garde d'enfants. La ville du quart d'heure implique aussi de renforcer le maillage des commerces et des services de proximité et de favoriser la production locale et/ou les circuits courts. Par ailleurs, le développement du télétravail renforcé par la crise de la Covid-19, a déjà posé les bases d'une nouvelle géographie des lieux de travail...

Dans une toute récente interview, Carine Rolland, adjointe à la maire de Paris chargée de la Culture envisageait la ville du quart d’heure, comme l'une des approches intégrées dans le futur PLU bioclimatique de Paris, document d'urbanisme qui devra privilégier une ville rhizomique, dotée d’une multiplicité de petits centres ». Par ailleurs, l'association Familiale Mulliez (AFM), propriétaire de la foncière Ceetrus et du groupe Auchan, a annoncé la création de Nhood, un nouvel opérateur immobilier spécialisé dans la mixité urbaine... Il y a seulement un an, la ville du quart d'heure pouvait laisser septique. Aujourd'hui, elle commence à prendre forme...        

 

A-E.B.

(1) Terme emprunté au géographe Michel Lussault.

(2)  www.paris.fr/dossiers/paris-ville-du-quart-d-heure-ou-le-pari-de-la-proximite-37

Anne-Elisabeth Bertucci

Journaliste indépendante sur l'environnement

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