Grâce au réemploi, le déchet devient ressource

Récupérer de la matière pour la réintégrer dans une construction neuve ne date pas d'aujourd'hui. Regardons de plus près !

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Grâce au réemploi, le déchet devient ressource  

 

Récupérer de la matière pour la réintégrer dans une construction neuve ne date pas d'aujourd'hui. Les temples antiques ont servi de carrière durant des siècles avant la standardisation de la construction du XXe. Aujourd'hui, la pratique du réemploi peine néanmoins à se massifier. Les matériaux de second œuvre représentent un gisement important.    

 

Label C2C, économie circulaire, neutralité carbone... Les temps changent, le monde de la construction s'adapte. Longtemps considéré comme des déchets, les matériaux issus de la déconstruction apparaissent désormais comme un gisement de ressources. Le contexte de crise environnementale amène à repenser le cycle de vie des matériaux, leur recyclabilité, leur capacité à être réutilisés.

Les déchets du bâtiment représentent environ 46 millions de tonnes par an et plus largement 230 millions de tonnes si on y ajoute les travaux publics. Conformément à la directive cadre déchets de 2008, la France devait atteindre un objectif de 70 % de valorisation de ces déchets à l’horizon 2020. Les dernières estimations indiquent que la filière du bâtiment atteint un taux proche de 68,5 % fortement lié à la bonne valorisation (principalement recyclage) des déchets inertes les plus lourds comme les bétons et les tuiles.

Or, une partie de ces déchets pourrait être réintégrée dans de nouveaux bâtiments (réemploi), apportant une réponse partielle à la diminution inexorable du stock de matières naturelles et à la production de déchets. Architecte et fondateur de la coopérative belge Rotor, pionnière duréemploi, Michaël Ghyoot, estimait dans une récente interview (1), le flux de matériaux récupérés à 1 à 2 % de la benne des chantiers pour un proportion équivalente de matériaux consommés, issus du réemploi. Autant dire que l'on est loin de la massification espérée par les acteurs.

 

Un nouveau diagnostic « produits, matériaux et déchets »

Cependant la récente loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire publiée le 10 février 2020 pourrait changer un peu la donne. L'une des mesures phare introduit le diagnostic« produits, matériaux et déchets » à partir du 1er juillet 2021 qui remplacera le diagnostic déchets pré-démolition. Cette nouvelle version de diagnostic devra contenir les informations relatives à la nature, la quantité et la localisation des produits, équipements et matériaux générés par l’opération de démolition ou réhabilitation lourde ainsi que les précautions en matière de gestion sur chantier en vue de leur réemploi.

A défaut de réemploi, le diagnostic devra identifier la quantité et la nature des déchets qui seraient générés par ces produits, matériaux et équipements ainsi que leur possibilité de valorisation en prenant en compte la hiérarchie des modes de traitement. Cette avancée législative introduit donc la question une organisation de chantier, la notion de dépose sélective, l'identification d'une filière de réusage, la caractérisation du produit...

Identifié, tracé, déposé avec soin, le matériau issu de déconstruction change ainsi de statut passant de celui déchet voué à finir dans la benne DIB (déchets industriels banals) à celui de ressource potentiellement réutilisable...  

 

Des freins assurantiels, économiques et méthodologiques

Néanmoins, les verrous assurantiels, économiques et méthodologiques souvent évoqués font obstacle au développement de ces pratiques. Tant en amont – déconstruction, stockage, revente, etc. – qu'en aval pour former les équipes de maîtrise d'œuvre (MOE), convaincre les maîtres d'ouvrage, les bureaux de contrôle, les assureurs, etc. Ces matériaux d'occasion ne sont pas ou plus normés, caractérisés. Les techniques pour les mettre en œuvre ne relèvent pas du corpus des procédés traditionnels (DTU, normes, règles professionnelles, etc). Les entreprises et MOE peuvent se montrer réticent à engager leur responsabilité. Et leurs assureurs, tout autant frileux pour garantir la décennale d'une opération. La FFB prépare d'ailleurs un guide portant sur la mise en œuvre des matériaux de réemploi à destination des entreprises.        

Autre point de blocage : le prix d'un matériaux reconditionné face à celui moindre d'un produit standard industriel. La dépose et la reconditionnement pèsent lourd dans le coût du réemploi. Ce qui vain fluer grandement sur les choix des maîtres d'ouvrage et les prescriptions des maîtres d'oeuvre. Enfin, la question de la mise en relation de l'offre et de la demande se pose aussi. Dans plusieurs pays européens, des plateformes physiques et numériques ont été développées par des opérateurs spécialisés afin de faciliter le matching des flux inter-chantiers et le stockage des matériaux déposés. Cette vision systémique introduit la notion d'un métabolisme urbain où la ville se nourrit de ses propres ressources-déchets pour se reconstruire sur elle-même.  

 

 

(1)  Le Moniteur du BTP n°6129 du 12 mars 2021

 

Glossaire

L’article L541-1-1 du Code de l’environnement indique les définitions suivantes :

·Réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus.

·Préparation en vue de la réutilisation : toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement.

·Réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau.

Source Ademe.

Anne-Elisabeth Bertucci

Journaliste indépendante sur l'environnement

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